PROSVIANDE 2050 : Étude prospective des filières viande de ruminants du Massif central à l’horizon 2050

Résumé

Les filières de ruminants producteurs de  viande dans le Massif central, s’interrogent sur leurs élevages et leurs avenirs. Dans ce territoire de montagne à dominante herbagère, de nombreux questionnements émergent, face au changement climatique et à ses conséquences sur les prairies,  face aux risques de baisse de la consommation de viande en Europe, ou face à une mauvaise image du métier qui pourrait entraver le renouvellement des générations d’éleveurs. La part croissante des aides publiques dans le revenu agricole reste aussi source d’interrogations à l’heure des évolutions des politiques européennes. Dans ce contexte le Commissariat de Massif (CGET) en partenariat avec l’Inra, a souhaité accompagner ces préoccupations en engageant une réflexion prospective à long terme.

Cette étude prospective a mobilisé des porteurs d’enjeux et des experts des filières et du territoire pendant près de deux ans. L’identification des enjeux pour les acteurs a constitué le point de départ et le fil directeur de l’étude. En s’appuyant initialement sur une analyse rétrospective qui a mis en évidence les tendances et les ruptures dans l’évolution du « système Massif central »  au cours des cinquante dernières années, plusieurs déterminants internes ou externes de ces évolutions ont été recensés. Les combinaisons d’hypothèses cohérentes des déterminants ont ensuite permis de constituer des décors prospectifs dans lesquels cinq scénarios contrastés des futurs possibles ont été constitués décrits et quantifiés. Enfin, les leviers stratégiques mobilisables nécessaires pour que les enjeux et les scénarios évoluent favorablement ont été mis en avant. Chaque scénario correspond à  des logiques de fonctionnement et d’utilisations du territoire très différentes. Leurs conséquences ont été quantifiés sur la production, l’emploi, le bilan environnemental dans une démarche originale alliant expertise, analyse bibliographique et modélisation.

La gestion adaptée et raisonnée des prairies et des itinéraires de production et la garantie de la qualité des produits viande sont des points sensibles incontournables dans tous les scénarios. Le changement climatique n’est pas de nature à tout bouleverser cependant l’importance de la ressource herbagère pour les productions impose une forte vigilance sur ce point : il faut en maitriser les risques. La baisse plus ou moins forte de la consommation de viande en Europe nécessite aussi l’adaptation des productions aux débouchés potentiels à l’export dans les pays tiers. L’exportation de bovins maigres pourrait trouver de nouveaux débouchés. L’analyse transversale de ces résultats montre également la nécessaire adaptabilité des filières. Des opportunités peuvent se révéler pour l’avenir et de nouveaux collectifs d’acteurs peuvent les faire émerger, s’ils ont la volonté de se constituer pour fonctionner ensemble.

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Scénario « excellence »

Viande à l’herbe du Massif central, une référence d’excellence dans un contexte de forte baisse de la consommation européenne

Le consommateur rejette la viande industrielle et ses méthodes de production et s’oriente vers d’autres sources de protéines (animales, végétales ou autres). En réaction à cette très forte baisse de la consommation individuelle, les filières du Massif central s’organisent ensemble pour développer une marque synonyme de naturalité. Elles se dotent d’un outil de commercialisation pour atteindre des débouchés à l’international. Les produits exportés sont des morceaux de viande haut de gamme de qualités garanties. Ils sont destinés aux classes aisées du monde entier. Cet effort à l’export permet de faire face au contexte intérieur négatif et de maintenir un dynamisme économique dans les territoires (emplois dans le marketing, la communication).

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Scénario « libéral »

Le Massif central s‘adapte au sein de marchés libéralisés

Dans un monde où la libéralisation des marchés domine, le Massif central se retrouve en concurrence directe avec d’autres régions productrices de viande. Il doit s’adapter en faisant des économies et en réduisant ses coûts de production. Dans des filières désorganisées où chacun joue de manière individuelle au gré des opportunités, la production se recentre sur l’élevage d’animaux allaitants maigres. Les espaces où les productions animales ne sont plus compétitives sont laissés pour d’autres usages (biomasse, céréales) ou délaissés (friche). A ce titre, la filière laitière très concurrentielle n’existe plus que dans les zones intermédiaires avec cultures, alors que l’élevage bovin allaitant s’extensifie. Les ovins élevés en systèmes pastoraux sont contraints par la présence du loup. En conséquence, une partie des surfaces agricoles est abandonnée par l’élevage et le paysage se referme partiellement. Le tourisme en pâtit.

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Scénario « AgroEco »

La viande agroécologique pour tous

Des attentes sociétales très fortes envers les produits respectueux des écosystèmes déplacent le curseur de l’agriculture dite conventionnelle vers une agriculture  durable. Le respect de pratiques agroécologiques devient la norme et l’agriculture biologique se généralise. Les systèmes de production sont optimisés techniquement pour répondre à des standards environnementaux exigeants. Certes ces méthodes ont un coût pour produire, ce que le consommateur accepte et les politiques agricoles soutiennent en protégeant les marchés. Au niveau du territoire, la diversité se renforce (mosaïque de paysages à différentes échelles) et les sols sont utilisés de façon plutôt intensive car la recherche d’autonomies régionale et locale augmente les besoins (énergie, protéine, fourrage).

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Scénario « Partenariat »

La distribution alliée aux régions : partenariat pour une viande de massif

Les Régions des zones productrices de viande interviennent activement pour favoriser un partenariat équitable et reconnu entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. En se reposant sur cette contractualisation, l’objectif est de contribuer à maintenir un tissu socio-économique dynamique garant du dynamisme rural. La création de la valeur ajoutée et son partage conditionne la réussite de ces contrats. La consommation totale de viande stable dans le temps à l’échelle de l’UE (très légère baisse de la consommation individuelle compensée par la démographie) favorise cette réussite. Une montée du niveau moyen de la qualité organoleptique est nécessaire pour répondre à la demande d’un consommateur toujours plus averti et connaisseur mais qui est prêt à payer pour cette qualité supérieure qui lui est garantie.

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Scénario « Géopol »

La viande géopolitique

L’objectif de l’Europe est d’assurer un équilibre géopolitique du bassin méditerranéen. La politique européenne retrouve une place centrale motrice dans la régulation et le développement des marchés. Avec l’ensemble des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, l’Europe s’accorde sur des échanges réguliers et négociés entre produits agricoles (céréales, lait, viande) et produits énergétiques (fossiles puis renouvelables). Le Massif central est au cœur de l’Europe et pèse sur ces accords et les marchés associés dans les filières viande. Il contribue en renforçant sa capacité de production de divers animaux maigres qui une fois engraissés hors zone, participent aux bouquets de produits échangés trans-méditerranée dans le cadre de l’accord négocié.